Jardins intérieurs
De petits textes poétiques, portraits brefs,
ciselés, émouvants, drôles, portés par la voix
parlée et chantée de Bernadète Bidaude.
Paysages intérieurs, sur un fil délicat, mais solide,
défilent des mirages récurrents, des havres de paix, des souvenirs tronqués, des anges bienveillants, des ombres qui partent en vrille, des mémoires suspendues…
Extraits —
M. P. Sans cesse, elle dit :
— J'ai manqué de mère…
arpenter le jardin de votre grand-mère
bêcher entre les rangées du cœur et du sang
retourner le rêve
sarcler la douleur
cultiver les mots orphelins
essarter la peine
échardonner les blessures
retrouver le jardin maternel
fleuri
M. A et M. B
Elles dorment profondément dans leur chambre. La télé marche.
C’est un feuilleton où l’héroïne a pris un somnifère…
et les belles se sont endormies
cent ans de sommeil
et voilà que défilent l'aïeule qui voulait voir la mer, le beau cousin en marcel, la voisine et ses
paniers d’asperges, l’épicier et ses comptes d’apothicaire, l’oncle au large dos couvert de
ventouses, les enfants aux mille et un rêve, le gâteau de Pâques de la tante Amélie, la chanson
de votre cousine, l’histoire que vous contait votre mère : il l’a embrassée et la belle s’est
réveillée !
M. J.
— La fleur que je préfère, c’est la gentiane; j’aime ce bleu… ah ce bleu…
Bleu des lointains, bleu des bleuets, lavande, pervenche, myosotis et gentiane
lapis-lazuli, aigue-marine, bleu de nuit, indigo et cyan…
Ces bleus-là sauvent du malheur pendant quelques éternités.
S’en saouler pour cuisiner le bonheur à petites doses
S’en griser pour apprêter le bleu des âmes
en cordon-bleu, goûtez, relevez, assaisonnez
Santé !
M. A Il n'a pas d’enfants. Il est seul. Il croit au paradis.
Il s’échappe alors dans son jardin secret.
Jardin d’Eden où des enfants jouent à la marelle.
Il s’évade de la cruelle réalité
poussant du pied le palet de ses jours et de ses nuits.
Arrivé au paradis,
il respire
