De sang et de lait

«Un récit-spectacle bouleversant de Bernadéte Bidaude, qui n’a pas son pareil pour raconter des histoires. Mieux: elle les sublime. C’est le cas pour celle de la Maternité que, sans fausse modestie, je connais bien. Hier soir, elle a réussi à me tirer des larmes, des rires, des souvenirs. Pour moi son spectacle était une madeleine de Proust et, visiblement, pour les autres spectateurs aussi, à voir les émotions qui submergeaient un public nombreux. La force des mots, des gestes, de la voix de Bernadéte Bidaude au service de la "belle histoire" parle au cœur et à la tête, vous touche, vous emporte. Un petit bout de femme (pas bien plus grande et plus épaisse qu’Elisabeth) mais quelle puissance dans son récit, dans la manière de le dire et de le faire cheminer dans les différentes pièces du Château, devenu Maternité par la volonté d’une femme extraordinaire entre 1939 et 1944.
Dans ces murs, témoins des bonheurs, des joies mais aussi des malheurs vécus par les mères et les enfants de l’époque sous la houlette d’Elisabeth Eidenbenz, Bernadéte Bidaude se livre, et nous livre une magnifique interprétation. Comme le disait l’un des participants, c’est un moment fort dans une vie, un moment dont on se souviendra toujours.»
(Nicolas Garcia, maire d’Elne)

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La vie avec Oradour:
Ne pas oublier, ne pas cesser de vivre


De résidence en résidence, l’une à Elne et Alenya, autour de la maternité suisse, l’autre à Oradour-sur-Glane, village martyr, Bernadète Bidaude, la conteuse, nous est revenue avec un dyptique, Les temps qui courent : « La vie avec Oradour » et « De Madrid à Elne, de sang et de lait ». Elle l’a donné pour la première fois dans son intégralité aux Vendanges d’octobre d’Alenya, vendredi 10 et samedi 11 octobre.

À Oradour, elle rencontre Robert Hébras, enfant du village qui a échappé au massacre. Les ruines d’Oradour ont été érigées en monument du souvenir, un nouveau village a été construit. C’est là qu’est la vie, désormais. À Elne, après cinquante ans de silence, on a retrouvé l’histoire de la maternité, Elisabeth Eidenbenz, sa créatrice et quelques-uns de ceux qui y sont nés. Parmi eux, Bernadète a rencontré Léa, qui conte l’histoire de sa mère Alicia. Et bien d’autres, comme à Oradour, avec qui elle a conversé.

Pour ceux qui la connaissent, la manière de créer de Bernadète n’a pas changé. Elle transforme la vie en mots, les mots en vie. Les temps qui courent. Se souvenir et vivre. Ne pas oublier mais aller le chemin. Ni succomber à l’évocation de l’horreur, aux cauchemars sans cesse renouvelés, ni tout emmurer et se lancer dans l’insouciance comme si rien n’était arrivé. La conteuse transcende cela. Elle dit la guerre, les morts, les ruines, elle dit la liberté entravée, mais avec ses mots, les images qu’elle fait jaillir, les questions qui jalonnent les dialogues, elle invente une histoire. Elle mêle tout cela dans l’intense poésie, elle fait voler les souvenirs dans l’azur lointain. Elle n’esquive pas la gravité mais elle la danse au son d’un petite musique qui vole à cloche-pied vers le paradis, celui du jeu de la marelle. Utopie et dérision.

De l’histoire de Robert Hébras, elle dit longuement l’enfance, heureuse et insouciante avant le jour fatal. La culpabilité, qui poursuit tous les survivants « est-ce à cause de moi que mon frère est
mort ? ». Elle fait revivre les débats qui nous assaillent tous : ne pas oublier, ne pas ressasser, vivre, transmettre. Comment ? Les temps courent. Et l’on retrouve la vie, la poésie, courir, chanter, danser, faire vibrer les mots et les images. Pour la maternité elle conte longuement l’histoire d’Alicia, couturière à Madrid et femme d’un « rouge », à travers le récit de Léa. La maternité, où une femme espagnole au lait généreux nourrissait les enfants juifs, revit par son évocation. Elle rend un vibrant hommage à Elisabeth Eidenbenz, qui sut, quand il le fallut, désobéir pour sauver des vies. Et la vie toujours la vie, les temps qui courent et Bernadète qui danse, légère, aérienne, passionnée.

Passionnée aussi pour dire, le jeu terminé, avec force et gravité tout ce qu’elle doit à ceux qui ont œuvré pour rendre la Maternité à la vie, pour faire œuvre de culture : Nicolas, Sylvaine, Guy, Jacques, tous présents dans la salle. Pour s’indigner qu’une municipalité fraîchement élue trouve son triomphe en bannissant les noms de femmes qui ont œuvré pour la paix et le bonheur : Mère Teresa, Geneviève de Gaulle, Rose Parks, Martha Desrumeaux, qu’elle prenne parmi ses premières mesures la suppression du poste de directrice de la culture. Elle dit le combat des intermittents du spectacle, dont elle est. Elle dit, avec nous, comme nous, pour nous, qu’il ne faut pas les laisser faire.

(Yvette Lucas, texte Publié le 13/10/2014 à 19:57 par leblogcultureldyl et sur le
Journal Catalan).

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